Aujourd’hui, je vais vous parler de Honeysuckle, le chèvrefeuille en français.
Pour illustrer mon propos et comprendre toute la subtilité de l’émotion que cette fleur recouvre, j’ai choisi le livre Objets, trajets de ma très chère amie, Stéphanie Lamache,
Honeysuckle parle au passé
Dans ce livre, il est beaucoup question du passé, de souvenirs qui émergent à l’occasion d’un trajet ou de la redécouverte d’un objet.
L’auteure ballote le lecteur entre des souvenirs heureux et des moments difficiles qui la font passer de l’allégresse d’une senteur, d’un paysage ou d’une rencontre, à la douleur des moqueries, de la solitude, des silences lourds de reproches ou d’indifférences.
« Parenthèse de souvenir dans le souvenir : l’odeur des feuillages, la folie du printemps. »
Mais est-ce qu’il suffit de se raconter au passé pour choisir Honeysuckle ? Non, bien sûr !
Ce qui fait penser à Honeysuckle c’est l’émotion présente, la tristesse lorsque le passé est évoqué.
Par exemple, lors de déambulations dans Lisieux, la ville de son lycée : « Je m’y sens toujours étrangère, heurtée par l’âpreté des souvenirs, la violence de leur résurgence, toujours sur le point de retomber dans l’ornière du passé, d’être happée par la tristesse et le regret. »
Du souvenir au regret
L’auteure se souvient : souvenirs de beaux livres, objets insolites pour une enfance vécue dans l’insécurité matérielle suite au choix des parents d’un retour à la terre, …
« C’était un temps où les parents pouvaient s’offrir des dictionnaires, une encyclopédie générale en plusieurs tomes, des encyclopédies thématiques, d’autres livres élégants. »
Elle se souvient d’une enfance entourée de silence et la redécouverte d’objets ayant appartenus à la famille la laisse sans réponse quant à son passé :
« Dans une famille sans passé, à anecdotes mais sans histoire, où rien de s’est transmis, où tout s’est trouvé perdu, la moindre bribe surgie des temps anciens, échappée aux naufrages successifs, fait figure de trésors….
…Il y a si peu d’éléments dans l’histoire familiale pour décider d’une hypothèse ou d’une autre, pas même des indices, des allusions, des silences ou des hésitations, et les objets sont si obtus dans leur opacité, qu’il est impossible de deviner quoi que ce soit. Dès lors, pourquoi faudrait-il se contenter de cette semi-obscurité et renoncer à inventer ? »
Alors pourquoi ne pas inventer pour refaire son passé ?
Et si les parents avaient choisi une autre vie ou s’ils avaient pu réaliser leur rêve ? Et si…
Ce faisant, à partir d’objets énigmatiques qui ressurgissent de son enfance, la narratrice construit des hypothèses, des histoires sur sa famille : et si son passé avait été autre… son présent serait-il différent ?
« « Et si… » deux mots pour rêver et aller contre les faits, contre l’évidence du vécu et pour se promener sur les sentiers qui n’ont pas été empruntés.
« Et si… », deux mots et trois points comme une amorce à rêves et à regrets.
« Et si… », ou le rêve de pouvoir recommencer, ailleurs, autrement… » »
Honeysuckle, un retour salutaire au présent
Echapper à son présent façonné par son passé est-ce possible ? Echapper à son passé en l’inventant différent est-ce une voie de salut ?
Se perdre dans le passé, par nostalgie de moment heureux ou par regret d’une vie non réalisée, nous maintient hors du temps et dans la mélancolie. Nous ne sommes pas aujourd’hui et n’arrivons pas à jouir du bonheur présent.
« « Et si… » est bien un jeu cruel et vain, faussement consolatoire, il ne laisse que des questions sans réponse. »
Stéphanie a trouvé le salut par « la seule force de la fiction et de l’écriture ».
Ce salut, nous pouvons le trouver dans Honeysuckle : il nous réveille au présent et nous permet d’y vivre pleinement et d’y trouver la joie.
Peu importe le passé : il est révolu…
Un livre que je vous recommande de lire !
Bonne lecture !
Hélène
Références : Objets, Trajets de Stéphanie Lamache – Editions Les Avrils
ISBN : 978-2-38311-026-2